Légère sudation qui perlait du haut de mon front. Mains moites. Voilà, les signes qui ne trompaient pas et pourtant j'essayais de dissimuler mes angoisses dans un pas rapide. La nuit avait recouvert de son manteau de lumière les devantures et les néons. Je connaissais ses rues. Je les arpentais depuis que j'avais douze-ans. Je n'étais pas effrayé de l'exubérance ou des corps dénudés qui ne semblaient n'avoir plus aucune pudeur. Je ne détournais pas le regard des bouches amoureuses ou des mains plongées dans les jeans. Je n'aimais tout simplement plus trainer à Liberty Avenue la nuit. Je détestais mon frère jumeau pour m'avoir retiré cela. Car la nuit les esprits s'échauffaient et les désirs coulaient le long des chevilles. J'étais venu à exécrer ces hommes amochés par l'alcool qui venaient m'accoster car ils me prenaient pour Kari.

Bien sûr, mes angoisses me rattrapaient toujours, comme un mauvais film d'horreur qui aimait se répéter. « Hey, toi, tu ne dis même plus bonjour ? », me demanda une sorte de montagne de muscles à la barbe épaisse avec sa bière à la main. Je soupirais. « Non, je crois pas. Maintenant, je dois rentrer chez moi. Excusez-moi. » J'essayais de rester poli, mais l'envie folle de lui présenter en personne mon majeur me donnait des frisons dans les chevilles. Mon colosse empestant l'alcool m'attrapa par le bras car il semblait ne pas vouloir en démordre. Il me plaqua contre une borne à incendie et s'incrusta sans mon accord entre mes cuisses. Comme si soudainement j'étais devenu une de ses stupides pièces de lego comme pouvait manipuler sans vergogne.

« Tu disais pas cela hier soir...Quoi ? Tu veux jouer à celui qui semble pas intéressé ? » Je devais être tombé sur le champion connerie toute catégorie. Je le dévisageais et je le repoussais même si pour cela je devais poser mes mains sur son torse qui empestait l'ADN masculin. « Tu dois me confondre avec mon frère jumeau, Kari. Je suis vraiment pas intéressé, moi...Mais, promis le jour où je voudrais me faire violer, je t'appelle... » Ah, mon humour ! Il m'avait toujours attiré des ennuies. Cette nuit ne dérogerait pas aux autres. « Faisons cela, petite salope, alors ! » J'allais crier à l'aide quand mon titan barbu me devança et posa une main sur ma bouche. Il me souleva comme si je ne pesais rien et m'attira dans une ruelle sombre.