« ILS ME FONT TOUS CHIER! TOUS!!! »

Kyle se laissa tomber lourdement dans son fauteuil en cuir noir de bureau, soupirant en se massant les tempes. Cette journée était une de celles qui le rendaient fous. Une de celles qui lui faisaient péter un câble. Une de celles… bref on a compris. Un client venait d’annuler sa commande et il se retrouvait avec un mannequin inutile dans la boîte. Il détestait quand ce genre de chose arrivait. Que les choses n’allaient pas comme on les avait prévu. Ce fichu client était venu il y a de cela un mois, avait regardé le Book de Harry, on avait donc écrit en gros sur le planning que Harry bosserait pour lui et… Et non. Et l’autre là, il venait d’appeler pour décliner. Ca avait le don de mettre Kyle en rogne et de le rendre exécrable pour le reste de la journée. Un petit tour au Babylon ce soir ne lui ferait certainement pas de mal.

Il appuya sur un bouton de son téléphone et attendit que sa secrétaire réponde:

« Oui Kyle? »

« Bridget, un café s’il te plait. » grogna-t-il presque dans interphone avant de lâcher le curseur et de s’affaler à nouveau dans son siège.

Ce fameux meuble représentait tout à fait ce qu’il était pour la boîte. Le grand patron! Le Roi de l’entreprise. En quelque sorte, c’était son trône. Shanon&Co son territoire, les mannequins le peuple qu’il gouvernait et sa secrétaire… son larbin. Il sourit à cette pensée. Il est vrai qu’il lui en demandait beaucoup. Et pas que des choses administratives. Le café en était un exemple assez représentatif. Mais bon, elle ne s’en plaignait pas. Du moins elle ne l’avait jamais fait jusqu’à présent parce qu’en contrepartie, elle était bien payée et que Kyle était un boss fort sympathique quand il n’était pas dans une phase d’énervement comme maintenant.

Elle entra dans le bureau sans même frapper. Elle n’avait pas besoin de ça. Si Kyle ne voulait pas être dérangé, il la prévenait au préalable et fermait à clé. Elle s’avança jusqu’à lui et déposa le grand Mug remplit de la boisson chaude sur la table.
Kyle esquissa un sourire de satisfaction et lui mit une tape sur les fesses en guise de merci. Elle rit et repartit dans son office à elle. Il s’empara de la tasse et l’enroula de ses grandes mains. Rien de mieux qu’un café bien noir pour se calmer. Oui oui c’est sensé être un excitant, et alors? Sur Kyle ça avait l’effet inverse. A petite dose évidemment.

Il plongea ses lèvres dans le liquide amère et soupira doucement. Il fallait vraiment que quelque chose de bien lui arrive. Un simple café ne l’apaiserait pas au final.

« Kyle? » appela Bridget dans l’interphone.

Il appuya sur le bouton pour lancer une espèce de grognement.

« Le photographe est là. »

Ah oui, c’est vrai. Il l’avait oublié celui là. Il avait pris rendez-vous le matin même et avait l’air plutôt empressé.

« Okay. Amène moi le binoclard véreux. »

S’il avait des préjugés? Un peu… parfois… souvent? Bon la plupart du temps. En particulier dans le monde professionnel. Mais le pire, c’est qu’il avait souvent raison. les photographes sont loin d'être comme dans les films.

Et lorsque la porte en verre opaque et se leva lourdement. Il se stoppa presque dans son mouvement en voyant avancer derrière sa secrétaire un individu fort… intéressant.

« Monsieur Shanon, votre client. »

« Bridget… C’est le… »

« Monsieur Brexton, oui. »

Kyle maintint sa bouche fermée pour ne pas laisser pendre sa mâchoire de surprise. De stupéfaction? De satisfaction aussi. Ca c’était quand même plus… positif que la nouvelle précédente. Il s’avança avec un grand sourire vers le jeune homme, tendant une main vers lui pour le saluer.

« Monsieur Brexton. Nous vous attendions. Comment allez-vous? Je vous en prie, asseyez-vous. »

Il déballa son discours professionnel sans manquer de jeter des petits regards sur le corps fin et élancé de l’arrivant. C’était… alléchant comme situation pas vrai? N’allaient-ils pas se retrouver tout les deux enfermés dans une même et plutôt petite pièce?

« Bridget? Je ne veux pas être dérangé. » conclut-il en refermant la porte et en la verrouillant.

Si Kyle avait su il se serait tue avec ses clichés à la con. Parce qu’à la vue du nouvel arrivant (qui n’avait rien d’un binoclard véreux) ses préjugés étaient fortement remis en question. Il observa l’asiatique se diriger vers la chaise en plexiglas design, n’hésitant vraiment pas à regarder avec minutie ses hanches se balancer au rythme de ses pas. Et quand il fût installé, le directeur partît se poser dans son grand fauteuil en cuir, croisa ses mains sur son sous-main et sourit au photographe.

« Alors? Que puis-je faire pour vous aider? »

« Voilà. J’aurais besoin d’un sérieux coup de main en fait. »

Si Kyle n’avait pas les idées mal placées il n’aurait sûrement pas songer à une réplique du genre « J’peux te donner autre chose qu’un coup de main chéri. ». Mais il se retint évidemment. Ce n’était quand même pas une manière d’aborder « professionnellement » un inconnu. Alors il se mordit brièvement la lèvre avant d’acquiescer d’un hochement de tête.

« J’ai cru comprendre que vous cherchiez un modèle. J’ai justement un mannequin qui s’est libéré aujourd’hui. Un de nos meilleurs. »

Il se leva, alla vers un placard qui se trouvait derrière lui et farfouilla un moment avant de trouver le Book de Harry. Il revînt vers son client et posa l’énorme classeur sous ses yeux. Il l’ouvrit à la première page, tout près de lui, son bas ventre presque collé à l’épaule de Monsieur Brexton, un sourire discret aux lèvres alors qu’il se penchait, son visage plus proche encore de celui de son interlocuteur, feignant de lui indiquer les plus belles photos du mannequin du doigt.

« Je ne sais pas exactement ce que vous recherchez comme genre mais sachez que Harry est très demandé. Il a à la fois ce côté sexy et candide. Il peut être utilisé pour toutes sortes de clichés. Des plus érotiques au plus simples. »

Il savait que son souffle chaud atterrissait sur la joue de son client. Sa main, posée sur le dossier de la chaise, tapait doucement contre le plastique, créant presque le seul son dans la pièce alors que le bridé parcourait les pages de ses longues mains et de son regard précis. Il ignorait si l’autre serait intéressé (quoi qu’ils étaient rares à refuser ses avances) mais une chose était sûre: Il devait carrément sentir les regards insistants de Kyle sur son visage ou dans le creux de ses reins alors qu’il était légèrement penché sur le bureau. Et d’ailleurs, Kyle ne s’en cacherait clairement pas. Il tenait à ce que l’autre soit au courant. Après tout, à quoi ça servirait de draguer quelqu’un si l’autre ne comprenait pas le message?

S’il ne se retenait pas, il l’aurait déjà plaqué sur la moquette Bleu Roi et l’aurait prit, comme ça, sans préparation tant qu’à faire. De toutes manières, Kyle y allait rarement en douceur. Et ce n’était certainement pas pour déplaire à toutes ses conquêtes. Au fond, il s’en fichait du plaisir de l’autre. C’était le sien qui importait. Et étrangement, en ne pensant qu’à lui dans des moments comme ça, il satisfaisait les autres. Pourquoi changer ses habitudes dans ce cas?


« Dîtes moi… Casey c’est ça? Je peux vous appeler par votre prénom? Qu’est-ce que vous allez faire de mon mannequin? C’est qu’ils me sont précieux. Je tiens à savoir dans quel genre de revue ou d’exposition ils se retrouveront. »

Il s’assit sur le bureau, posant ses mains sur ses cuisses et fixant sans vergogne le jeune homme en face de lui. En le voyant si jeune il ne pu s’empêcher de songer que lui allait sur sa trentaine. Bon sang. Il était vieux en fait. Il en aurait presque déprimé jusqu’à se souvenir du succès qu’il avait encore et qui lui permettait de se sentir pire que beau. Il passa délicatement le bout de sa langue entre ses lèvres et sourit encore une fois à Casey, avec ce regard intense, celui qu’il utilisait toujours pour obtenir ce qu’il voulait. Personne n’avait jamais réussi à le contrer. Ses yeux disaient clairement: « Tu es en plein rêve. Et ma présence et mon intérêt te le prouve. Ne cherche pas à fuir, tu n’y arriveras pas. Jamais. »